Je vous avais déjà parlé de ce livre ici !
Au début il me faisait peur rien que par son titre (olala c’est quoi une
« Chartreuse » ?).
Et puis les profs de littérature en parlaient avec des trémolos dans la voix (c’est pas pour moi, je comprendrai rien, je
suis trop bêêêêête…). Lecture commencée donc timidement et un peu par
défi en janvier 2005, achevée hier soir, avec les méandres que vous savez. (Alors
que Stendhal a écrit son chef d’œuvre en sept petites semaines - c’est fou !-
de novembre à décembre 1838.)
Certains passages de ce livre sont mythiques, et je les
connaissais avant d’avoir lu le livre :
- Le fameux « Il
n’y comprenait rien du tout » au sujet de Fabrice, se sentant
complètement paumé à la bataille de Waterloo.
- L’appris par cœur pour les besoins de l’Histoire :
« Le 15 mai 1796, le général
Bonaparte fit son entrée dans Milan à la tête de cette jeune armée qui venait
de passer le pont de Lodi, et d’apprendre au monde qu’après tant de siècles
César et Alexandre avaient un successeur. » (l’incipit du roman)
- L’ellipse sur les trois ans de bonheur de Fabrice
- Cette histoire de ne se rencontrer que dans le noir (je
ne comprenais pas bien et je me demandais si je ne confondais pas avec l’Education sentimentale, ce qui n’était
pas étonnant : je n’avais lu aucun des deux).
- Les derniers mots du roman : «TO THE HAPPY FEW », dédiant le livre à une certaine élite.
- La passion coupable de la Sanseverina pour Fabrice
(mais pourquoi coupable ?).
Je pensais m’être fait une bonne idée du roman. Comme quoi
Fabrice sort avec la Sanseverina, et la trompe avec Clélia (c’est pour ça
qu’ils ne peuvent se voir que dans le noir !), et même qu’il va la quitter
pour Clélia (trois ans de bonheur héhé). Je suis trop forte, même pas besoin de
lire le livre en fait.
En fait non.
Le pitch : Nous sommes dans l’Italie du XIXè siècle, et
l’histoire racontée est censée s’être réellement passée. Gina, la duchesse de
Sanseverina, s’installe avec le comte de Mosca à Parme. Elle y est rejointe par
Fabrice, son neveu et accessoirement prêtre, dont elle s’éprend sans jamais
trop le dire. Fabrice pourtant s’intéresse par caprice à la petite Marietta, ce
qui ne plait pas trop à son amant qui l’attaque, et que Fabrice tue un peu par
accident. Il va donc être jeté en prison, pour des raisons politiques en
réalité, le meurtre servant de prétexte. Mais de sa fenêtre, il peut voir la
volière de la jeune Clélia Conti, fille du gouverneur de la citadelle… Il
connaît donc le bonheur en prison, grâce à la relation qu’il a établie tant
bien que mal avec Clélia, et ne souhaite pas quitter le lieu où il peut mourir
à tout moment par empoisonnement, au grand désespoir de la duchesse…
Le bonheur : voilà le sujet du roman. Les personnages
ont une aptitude au bonheur qui fait qu’ils sont heureux même dans des
situations extrêmes. (Oui être emprisonné et être menacé en permanence
d’empoisonnement, j’appelle ça une situation extrême) Ils se raccrochent au
plus petit évènement tendant vers le bonheur, même si celui-ci est fragile et
éphémère, et qu’ils le savent. C’est cette recherche du bonheur, et la
jouissance de ses fugaces apparitions qui caractérisent les trois personnages
principaux : Fabrice, Clélia et la Sanseverina. Les trois bafouent la
morale, les lois et parfois le bon sens afin d’être en harmonie avec leur
passion. Ce culte du moi (qui explique le très grand nombre de monologues) fait
donc des personnages des êtres heureux et privilégiés malgré leurs malheurs.
On sent également un écrivain heureux. Il faut savoir que
Stendhal a écrit son roman au fur et à mesure, par improvisation, c’est-à-dire
sans savoir où il va mener ses personnages, et jusqu’où. On l’a d’ailleurs
comparé à un orchestre de jazz. Son écriture s’est déployée tout en
spontanéité, par le simple plaisir d’écrire. Ce plaisir se manifeste notamment
dans la façon dont Stendhal se moque de l’Eglise, du pouvoir, de ses héros.
Personne n’est épargné.
Et donc, plaisir du lecteur, bien récompensé après le cap
des 150 premières pages… Je n’exagère pas : chaque ligne est jouissive, on
se tord de rire à chaque page (du coup ça fait un peu snob de se marrer sur la Chartreuse dans le métro, mais tant
pis). Et puis vraiment, ce livre nous tient en haleine et nous tire vers le
même horizon que les héros. On en sort heureux.
Quelques mystères non résolus :
- pourquoi placer une dédicace à la fin du
livre ? (« TO THE HAPPY FEW »)
et c’est qui ces happy few ?
et pourquoi en anglais ?
- c’est quoi cette fin précipitée où tout et tout le
monde se bouscule ?
- pourquoi un titre de roman qui a peu de rapport avec
l’histoire et qui ne se justifie en partie que vers la toute fin ? (bon, c’est
vrai, il a la classe ce titre)
- pourquoi des prénoms français pour des héros
italiens ?
A suivre…(peut-être)