La Philosophie dans le Boudoir - Marquis de Sade
Sade, ça va cinq minutes. D’abord on trouve ça complètement
dégueulasse, on détourne chastement le regard, puis au bout de quelques pages
on s’ennuie un peu. C’est vrai quoi, il se passe tout le temps la même chose,
et on finit par se sentir blasé : « oui bon là il les fouette…ah il
les fouette encore… tiens il les fouette toujours…ah cette fois ce sont elles
qui le fouettent… ».
Cela dit je distingue tout de même La Philosophie dans le Boudoir. Et j’ai de bonnes raisons!
La chose est composé de sept dialogues, durant lesquelles
Mme de Saint-Ange et Dolmancé s’évertuent à débaucher Eugénie de Mistival,
jeune vierge pas si farouche. Le titre complet est d’ailleurs La Philosophie dans le Boudoir ou Les
instituteurs immoraux (sous titre : Dialogues destinés à l’éducation des jeunes demoiselles). Au fur et
à mesure des progrès étonnamment rapides de la jeune fille, l’on introduit de
nouveaux partenaires et des figures amoureuses plutôt compliquées.
Entre deux torticolis, nos héros parlent de la vie : la
religion, la politique, la Starac… Ils commentent aussi un pamphlet
« Français, encore un effort si vous voulez être républicains » (qui
s’inscrit dans le débat révolutionnaire sur les nouvelles législations après
1789).
Au bout de six dialogues, Mme de Mistival commence à
s’inquiéter pour sa fille. Elle vient donc prendre des nouvelles. Elle
n’aurait pas du.
Et puis c’est franchement drôle par moments : on a des explications très théoriques sur la sexualité, les commentaires sont naïfs, les positions sont tout à fait inconcevables, pareil pour la taille des phallus et substituts phalliques… Les personnages continuent à parler de façon soutenue dans une langue magnifique durant leurs ébats (à l’exception du jardinier qui parle son patois) (car oui, il y a un jardinier). Ce décalage est à mourir de rire ! Il existe vraiment un humour sadien (parfois douteux certes), et je trouve qu’il ressort particulièrement ici. Bref, je le trouve même sympathique ce Sade !
Et puis parce qu’il n’y a pas que ça dans la vie, nos héros ont aussi des conversations tout à fait honnêtes. L’éducation de la jeune fille n’est pas seulement physique, mais aussi morale et philosophique. Et ces trois enseignements se rejoignent. Ses instituteurs font table rase de toutes ses anciennes certitudes et croyances, pour lui inculquer la notion (discutable ici) de Liberté. Ainsi le bouleversement de l’univers d’Eugénie s’apparente au bouleversement de la France lors de la Révolution Française. Le pamphlet, l’appel aux armes « Français, encore un effort si vous voulez être républicains » proclame l’universalité du plaisir. Ceci est tout à fait en phase avec les débats de l’époque sur l’opposition Nature/Culture : cette dernière n’aliène-t-elle pas l’homme ? Ce qu’on appelle « crime » n’est-il pas au fond naturel ? Il ne faut donc pas réprimer ce que l’on désire faire, puisque le désir est naturel.
De plus, il appelle à se débarrasser de la religion établie
en faveur de l’athéisme et donc là encore changer notre conception du
« crime ». En effet, il n’y a plus de crime si l’on fait abstraction
de Dieu. Donc on peut voler, violer, tromper, calomnier, et même faire subir
des horreurs à sa propre mère! Aux chiottes les lois, c’est la fête !
Il y a donc une inversion des valeurs, avec la mise en place
d’une nouvelle norme pour une nouvelle société. Sade professe une république du
plaisir.
- Si l’homme obéit aveuglément à la nature, peut-il encore y
avoir liberté et donc plaisir (et donc Sade raconte n’importe quoi) ? Ou
bien est-ce que la Nature est seulement un prétexte pour justifier l’anarchie
qu’il professe ?
Maintenant vous pouvez le dire...Je vous ai fait peur au début hein? ;)