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22 janvier 2007

Chêne et Chien - Raymond Queneau *

Queneau, c’est « hénaurme ».queneau
Démonstration.
Vous voyez le livre à droite, là ? Bien. Il s’agit de Chêne et Chien, une autobiographie en vers, avec des alexandrins, des hexasyllabes, des césures à l’hémistiche et tout et tout, charmantes bestioles délaissées depuis la fin du XIXè siècle. Le monsieur se réclame même de Boileau, mis en exergue de la première partie de la chose. C’est gonflé quand même, de la part d’un ex surréaliste (justement, il aime bien embêter Breton).

Mais ce n’est pas aussi simple ! En effet cette langue parallèle qu’est le français parlé fait partie intégrante de son esthétique.
Elle m’emmenait également en vacances
A Orléans, aux Andelys
Où successivement habita-z-une tante
Qui me traitait comme son fils.

Ou encore : exempleu du déclin de la France
Cette conception orale de la poésie renvoie aux trouvères et troubadours du Moyen Age, d’autant plus que la matière du poème constitue à elle seule une épopée… Ahhh la cure de psychanalyse de Queneau… ! (touing touing…n’est-ce pas du luth que j’entend là ?)
D’ailleurs, Queneau appelle son œuvre « roman en vers ». Il considère qu’il n’y a pas de différence pour lui entre roman et poésie puisque leur matière peut être la même. Y en a marre de ces poètes romantiques faisant du lyrisme le tout de la poésie !
"...Quand je fais des vers, je songe toujours à dire ce qui ne s'est point encore dit en notre langue. C'est ce que j'ai principalement affecté dans cette nouvelle épître... J'y conte tout ce que j'ai fait depuis que je suis au monde. J'y rapporte mes défauts, mon âge, mes inclinations, mes moeurs. J'y dis de quel père et de quelle mère je suis né... ". (Boileau cité en exergue)
C’est pourquoi Queneau n’a pas de problème avec le fait de mettre sa propre vie en vers, même si le sujet ne parait pas poétique à première vue.

 Ceci me permet de faire une transition très habile vers le pitch.
La chose est composée de trois parties.
Dans la première, on voit Queneau gamin et ado, se prenant la tête et torturé par ses angoisses et anxiétés étranges. On le voit aussi en pleine crise oedipienne :
Elle m’appelle son pinson.
Elle raconte qu’elle m’aime.
Mon lit se trouve près du sien.
J’entends gémir cette infidèle.

C’est ainsi qu’on n’est pas étonné de le retrouver en deuxième partie sur un divan de psychanalyste, racontant ses rêves, ses impressions.
En troisième partie, c’est la guérison tant attendue, la victoire du Moi sur ses terreurs et son inconscient.
Tout tourne donc autour du Moi de l’auteur, ce qui explique le titre Chêne et Chien. Il renvoie à l'étymologie du nom de l'auteur : la racine quen de Queneau renvoie aux mots normands quenne qui désigne le chêne (=le bien, la force), et quenet , qui désigne le chien (=le mal, l’infamie).
Chêne et Chien voilà mes deux noms,
Ethymologie délicate :
Comment garder l’anonymat
Devant les dieux et les démons ?
Pas mal de critiques ont d’ailleurs comparé cette structure avec celle de la Divine Comédie de Dante : Enfer-Purgatoire-Paradis. Ce que j’adore avec Dante, c’est qu’on peut l’invoquer pour à peu près tout et n’importe quoi.

 Il ne se prend pas du tout au sérieux et c’est savoureux. Il donne une forme noble, avec de petites touches désuètes, des références littéraires et mythologiques, à une matière triviale et basse.
Ma grand-mère était sale et sentait si mauvais
Que de plus d’une dame on ne revit l’ombrelle.

Ou encore : Certes j’avais du goût pour l’ordure et la crasse,
Images de ma haine et de mon désespoir :
Le soleil maternel est un excrément noir
Et toute joie une grimace.

Je pourrais continuer pendant des heures, c’est à mourir de rire !

 Ainsi, en s’inspirant des classiques, Queneau crée son esthétique propre. Comme le dit si bien Gabriel dans Zazie dans le métro du même Queneau : « Y a pas que la rigolade, y a aussi l’art. », même si j'ai tendance à l'oublier quand je le lis.

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Commentaires
M
Je ne connaissais pas du tout le livre de Kundera! Merci beaucoup je vais le lire pour puiser quelques infos! A+++<br /> Monique
C
* Monique, je pense que c'est un excellent sujet! malheureusement je ne pense pas pouvoir t'aider car je ne m'y connais pas tant que ça... Je ne sais pas, commence par faire la distinction entre rire et comique, rire et humour, puis essaie de voir ce qui pourrait etre le contraire du rire: la grimace? les pleurs? mais je suppose que ton directeur t'a déjà expliqué tout ça...<br /> il y a un livre que j'aime beaucoup, c'est "le rire" de bergson, mais je pense que tu le connaissais déjà. Parmi les auteurs qui ont parlé du rire, je pense à kundera avec "le livre du rire et de l'oubli", umberto eco avec "le nom de la rose", baudelaire pour qui le rire est satanique, victor hugo avec "l'homme qui rit"... bon je ne sais pas si ces pistes vont t'être utiles, mais en tout cas, bon courage!
M
Coucou!! Vous m'avez l'air bien passionnés par Raymond queneau; c'est donc à vous que je m'adresse...<br /> Je m'explique : je suis en master 1 est mon projet de mémoire porte sur le rire chez Raymond queneau... Fin j'aimerais bien que ça porte là-dessus mais pour l'insant tout est un peu embrouillé dans ma tête... Pourriez-vous m'aider à trouver quelques pistes sur le rire chez Queneau? Les aspects de ce rire, sur quoi il porte...etc<br /> Merci bien d'avance!!<br /> Monique
C
* Bienvenue chez moi Louis! J'adore Queneau aussi! Et ça me fait plaisir de faire partager des oeuvres, surtout quand elles sont peu connues.<br /> <br /> * Cédric, tu es incorrigible! :)<br /> Tu m'as fait bien rire en tout cas! Tu t'en sors pas trop mal dis moi!
C
Héraut héroïque que le maître de céans<br /> Qui par des "C'est hénaurme" protège du néant<br /> Ces écrivains si doués enterrés à six pieds. <br /> Pour remercier ce messager, puis-je faire voler un baiser?
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