C’était un petit farceur Pierre Louÿs. Son deuxième recueil publié en
1894, les chansons de Bilitis, est en
effet demeuré célèbre comme grosse arnaque littéraire. En effet Louÿs a
prétendu traduire du grec et retranscrire les "chants" de Bilitis, qui aurait été une grande poétesse
de l’Antiquité, ayant vécu sur l’île de Lesbos et ayant raconté sa vie en vers.
Et tout le monde est tombé dans le panneau.
Pourtant, trouver comme par hasard des poèmes antiques érotiques ET
saphiques, ce n’était pas un peu gros ? D’autant plus que le premier
recueil du jeune homme Astarté se
compose de poèmes eux aussi lyriques, d’inspiration grecque, teintés
d’érotisme. Le parallèle est troublant. Les gens sont crédules.
Bon d’accord c’est facile de se moquer.
Donc ce n’était pas seulement un petit farceur Pierre Louÿs, mais aussi
un petit coquin. En effet, il a imaginé la vie amoureuse et sensuelle d’une femme
(pas que dans cette œuvre d’ailleurs), avec des hommes mais surtout des femmes.
Je ne peux m’empêcher de faire le lien avec Lady
Chatterley’s lover de D H Lawrence que je suis en train de lire. La
fascination de l’homme pour le plaisir féminin et ses tentatives de le
retranscire et de le comprendre sont choses très curieuses.
Commençons par le commencement.
La très belle introduction aux chansons de Bilitis (où l’auteur fait
genre « c’est vrai hein, si si, et même que c’est historiquement prouvé… »)
est elle-même empreinte de la poésie et de la simplicité qui caractérisent le
recueil. Elle reconstitue le contenu des chants avec un grand sens du détail
donnant une impression de réalité. L’on y retrouve également le souci de faire
revivre de façon visuelle, tactile, olfactive la Grèce antique, ou du moins
telle que l’on peut l’imaginer aujourd’hui et telle qu’il se l’est créée. Quand on ouvrit la tombe, elle apparut dans
l’état où une main pieuse l’avait rangée, vingt-quatre siècles auparavant. Des
fioles de parfum pendaient aux chevilles de terre, et l’une d’elles, après si
longtemps, était encore embaumée. Le miroir d’argenr poli où Bilitis s’était
vue, le stylet qui avait trainé le fard bleu sur ses paupières, furent
retrouvés à leur place. Une petite Astarté nue, relique à jamais précieuse,
veillait toujours sur le squelette orné de tous ses bijoux d’or et blanc comme
une branche de neige, mais si doux et si fragile qu’au moment où on l’effleura,
il se confondit en poussière. Je ne dirai pas que cette introduction
constitue un poème, mais elle possède indéniablement un très fort pouvoir
évocateur ; elle fait partie de l’œuvre à part entière.
Les poèmes, en prose, magnifiques, sont parmi les seuls à trouver
grâce aux yeux de Luc Decaunes, spécialiste es poèmes en prose qui n’est jamais
content. « [D’accord Pierre Louÿs a fait genre que c’était des
traductions], mais comment renoncer à ces joyaux, uniques dans notre littérature,
à ces pièces de prose parfaitement formées, où la sensualité, l’érotisme le
plus direct, trouvent, pour s’exprimer, une sorte de chasteté verbale ? En
d’ailleurs les exigences du poème en prose sont satisfaites : pas
d’ornementation « poétique », autant dire ; une simplicité
d’écriture ; une forme stricte et brève. En somme, de la tenue et de la
retenue. »
Ce qui m’a le plus marqué dans les
chansons est
le culte de la beauté au sens purement physique, d’autant plus
mise en valeur par la simplicité apparente des mots qui font écrin, et
entourée du
mystère de la volupté féminine. Elle apparaît « telle qu’en
elle-même », et ne renvoie à rien d’autre. D’où peut-être le choix du
cadre antique et paien, et donc pur car ne pouvant être rattaché à des
considérations plus actuelles.Ce cadre, par son exotisme, laisse libre
cours à
l’imagination car il nous est justement très peu connu, et fascine
d'autant plus qu'il ne nous est pas immédiatement compréhensible.
Composé très
majoritairement de belles femmes vivant en communauté (non seulement à
Saphos
mais aussi à Chypre où elle est courtisane au temple d’Amathonte), il
apparaît
idéal pour l’évocation de la beauté et de la volupté. Ainsi même les
pièces
plus moralistes sont empreintes d’une sensualité païenne.
PENOMBRE
Sous le drap de laine
transparent nous nous sommes glissées, elle et moi. Même nos têtes étaient
blotties, et la lampe éclairait l’étoffe au-dessus de nous.
Ainsi je voyais son corps chéri
dans une mystérieuse lumière. Nous étions plus près l’une de l’autre, plus
libres, plus intimes, plus nues. « Dans la même chemise » disait-elle.
Nous étions restées coiffées
pour être encore plus découvertes, et dans l’air étroit du lit, deux odeurs de
femmes montaient, des deux cassolettes naturelles.
Rien au monde, pas même la
lampe, ne nous a vues cette nuit-là. Laquelle de nous fut aimée, elle seule et
moi le pourrions dire. Mais les hommes n’en sauront rien.
Ca me fait penser à la fois où ma prof de lettres en hypokhâgne et moi
nous sommes entretenues au sujet de l’onanisme féminin au XIXè. Mythique.
Olala j’espère que cet article ne va pas attirer des lubriques en tout
genre. Je ne juge personne mais ce n’est pas le genre du blog, vous comprenez.
Remarquez, j’ai fait bien attention à ne pas mettre de mots clés comme ***** ou
******** ou encore ****. Oh non……...j’ai mis « saphique » et
« onanisme »……..